Friday, June 25, 2010

Jacques Bertin - Louis Aragon - Maintenant que la jeunesse


Translated to English here.

Maintenant que la jeunesse
s'éteint aux carreaux bleuis.
Maintenant que la jeunesse
machinale, m'a trahi.
Maintenant que la jeunesse
tu t'en souviens, souviens-t'en.
Maintenant que la jeunesse
chante à d'autres le printemps.
Maintenant que la jeunesse
détourne ses yeux lilas.

Maintenant que la jeunesse
n'est plus ici n'est plus là.
Maintenant que la jeunesse
sur d'autres chemins légers.
Maintenant que la jeunesse
suit un nuage étranger.
Maintenant que la jeunesse
a fui, voleur généreux,
me laissant mon droit d'ainesse
et l'argent de mes cheveux.

Il fait beau, à n'y pas croire.
Il fait beau, comme jamais.
Quel temps, quel temps sans mémoire.
On ne sait plus comment voir
ni se lever ni s'asseoir.
Il fait beau comme jamais.
C'est un temps contre nature
comme le ciel des peintures
comme l'oubli des tortures.
Il fait beau comme jamais.

Frais comme l'eau dessous la rame
un temps fort, comme une femme,
un temps à damner son âme,
Il fait beau comme jamais.
un temps à rire et courir,
un temps à ne pas mourir,
un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais.

Friday, June 18, 2010

John Le Carré - The Mission Song


Je ne suis pas habitué à lire un roman en anglais et John Le Carré n'est pas spécialement l'auteur le plus simple pour commencer. Cela a donc pu influencer ma vision du livre même si ça n'a pas altéré ma compréhension générale je pense.
Alors The Mission Song est assez différent des autres livres que j'ai lu de Le Carré. Tout d'abord il semble plus impliqué dans une cause ensuite ce qui se passe est moins caché. Je ne connais pas grand chose à la situation au Congo et ne peut donc juger la justesse de celle-ci mais disons que j'ai trouvé le tout un peu trop caricatural. L'acteur principal est intéressant sans qu'on arrive à s'attacher à lui car il est sans attache. On se moque un peu de ce qui lui arrive. D'habitude John Le Carré nous donne un fil d'événement et on tente de comprendre pourquoi, qu'est-ce qui se cache derrière, hors là on manque cette dimension. De plus l'histoire se déroulant récemment il manque une dimension technologique qui dépasse peut-être l'auteur ou qui n'a pas voulu en abuser. Bref sentiments mitigés et j'ai un peu du me forcer pour terminer. Je préfère grandement l'ambiance plus sombre de la guerre froide.

Wednesday, June 9, 2010

Léo Ferré - Pauvre Rutebeuf


Translated to English here.

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Oh vent d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est avenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient
Le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

L'espérance de lendemains,
Ce sont mes fêtes...

Thursday, June 3, 2010

John Le Carré - L'appel du Mort



J'aime les univers réalistes, j'aime les personnages torturés. John LeCarré sait faire les deux. Son premier roman introduit ici son personnage fétiche George Smiley. Je l'avais déjà découvert dans L'espion qui venait du froid (magistral Alec Leamas mais Smiley y était fort effacé) et La Taupe (Tinker, Tailor, Soldier, Spy) où j'avais presque l'impression qu'il n'était que le lien entre les événements mais pas un personnage tangible. Ici je découvre donc enfin Smiley, le vrai, l'homme blasé, intelligent. L'homme qui écoute, l'homme blessé dont la seule raison de vivre maintenant est son travail. Smiley ne serait pas Smiley sans sa femme Ann, dont on sait si peu mais qui le rends si humain, si brisé. Bref c'est une histoire certes pas surprenante mais définitivement prenante. Un très bon plongeon dans l'espionage tel qu'il a pu être. Bref une très bonne lecture, rapide et agréable.

Wednesday, June 2, 2010

Ray LaMontagne - Empty


She lifts her skirt up to her knees,
walks through the corn-rows with her bare feet, laughing.
i never learned to count my blessings,
i choose instead to dwell in my disasters.
i walk on down a hill,
through grass, grown tall and brown
and still its hard somehow to let go of my pain.
on past the busted back of that old and rusted cadillac
that sinks into this field, collecting rain.
will i always feel this way?
so empty, so estranged

and of these cut-throat busted sunsets,
these cold and damp white mornings
i have grown weary.
if though my cracked and dusted dime-store lips
i spoke these words out loud would no one hear me?
lay your blouse across the chair,
let fall the flowers from your hair
and kiss me with that country mouth, so plain.
outside, the rain is tapping on the leaves,
to me it sounds like they're applauding us the quiet love we made.
will i always feel this way?
so empty, so estranged

well i looked my demons in the eyes,
laid bare my chest, said do your best, destroy me.
you see, i've been to hell and back so many times,
i must admit you kind of bore me.
there's a lot of things that can kill a man,
there's a lot of ways to die,
listen, some already did that walked beside me.
there's alot of things i don't understand,
why so many people lie.
its the hurt i have that fuels the fire inside me.
will i always feel this way?
so empty, so estranged

Tuesday, June 1, 2010

Léo Ferré (Rimbaud) - La bateau Ivre



Translated to English here.

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées,
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots.

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le poème
De la mer, infusé d’astres, et latescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour.

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes,
Et les ressacs, et les courants, je sais le soir,
L’aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir.
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir.
Et j’ai vu quelquefois ...ce que l’homme a cru voir.

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre ...
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baisers montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
— Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux...

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
— Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi, plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons